Quand le sport devient un cri contre les violences
À Ouagadougou, ce 14 juin 2025, la sueur a coulé. Au rythme de messages engagés, une centaine de femmes travailleuses du sexe, militantes, soignantes, déplacées internes ont envahi le terrain du centre communal de santé de Paspanga. Objectif, faire du sport, oui, mais surtout faire entendre une voix longtemps étouffée. Celle des victimes de violences basées sur le genre.
L’initiative est signée Association pour la protection de l’enfance en difficulté (APED-Signontard), structure engagée depuis plusieurs années dans la défense des droits des populations vulnérables. Soutenue par Speak Up Africa à travers l’initiative Voix EssentiELLES, l’action se veut symbolique, mais aussi stratégique. Réunir les acteurs de la santé, les défenseurs des droits humains et les communautés elles-mêmes dans un espace de dialogue et de mouvement.
« On parle de sport, mais derrière les pas d’aérobic, il y a un cri d’alarme. Chaque coup de talon, chaque mouvement de bras traduit une urgence. Les femmes ne sont pas en sécurité, même quand elles vont se faire soigner », résume Gloria Nadine Kambou, présidente de l’association.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2022, plus de 11 000 cas de VBG ont été recensés au Burkina Faso, dont près de 80% concernent les femmes et les filles. Des statistiques effrayantes, souvent sous-estimées, tant les victimes hésitent encore à parler, par peur ou par honte.
Pour Dr Hamidou Compaoré, coordonnateur d’APED-Signontard, la lutte passe nécessairement par une mobilisation citoyenne. « Il ne suffit pas de soigner les blessures sociales, culturelles et institutionnelles qui permettent à ces violences de perdurer » plaide-t-il.
Il appelle notamment à des soins plus équitables pour les femmes marginalisées, comme les déplacées internes ou les travailleuses du sexe, souvent ignorées ou stigmatisées dans les structures de santé.

En organisant cette activité en différé de la Journée internationale des droits des femmes, l’association veut aussi souligner que les droits ne se célèbrent pas une fois l’an, mais se défendent tous les jours. Et que même une simple séance d’aérobic peut devenir un acte politique.
Loin des discours formels et des protocoles, cette matinée de sport a donc permis de créer des ponts entre infirmiers et patientes, entre gendarmes et activistes, entre générations. Des ponts que l’APED-Signontard entend bien renforcer avec d’autres actions communautaires dans les mois à venir.
Basée à Ouagadougou, l’APED-Signontard agit dans plusieurs domaines liés à la santé, à la protection de l’enfance, à l’éducation, à l’épanouissement des jeunes, aux droits humains et à la lutte contre les violences. Son engagement se concentre particulièrement sur les femmes vivant en marge de la société, souvent invisibles dans les politiques publiques.
Quant à l’initiative Voix EssentiELLES, elle vise à renforcer le leadership des organisations communautaires dirigées par des femmes pour qu’elles puissent influencer les politiques de santé, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive et de lutte contre les violences.
Madina Belemviré