Pr Michel Akotionga, l’homme qui redonne aux femmes leur féminité

Il est gynécologue obstétricien. Il a décidé de se spécialiser dans la réparation des séquelles de l’excision pour redonner l’espoir aux femmes d’être mères et le plaisir d’être femme. Enseignant à la retraite à l’université Joseph Ki Zerbo, membre fondateur du Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision au Burkina, directeur académique de l’Institut supérieur et santé Saint Edwige à Ouagadougou, lui c’est Pr Michel AKotionga. Il nous raconte son histoire et son parcours.

« Mon père est mort quand j’avais trois mois. Malheureusement, je n’ai pas pu faire grande chose pour ma mère qui m’a élevé seule et qui a tout fait pour moi car j’étais en première quand elle est décédée. Mais pour honorer sa mémoire, j’ai décidé de devenir gynécologue obstétricien pour aider les femmes qui sont pour moi, à l’image de cette femme qui m’a donné la vie », a dit Pr Michel Akotionga.

C’est ce qui l’a d’ailleurs motivé à s’impliquer dans la lutte contre la pratique de l’excision au Burkina Faso. Mais cela n’a pas été un long fleuve tranquille à l’entendre.

Au début, raconte-t-il, le Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision était un comité. Vu ses moyens limités, les membres se cotisaient pour tenir les réunions et les sorties dans certains quartiers, plus précisément à kologh naaba à Ouagadougou dans la capitale burkinabè pour les sensibilisations. « On nous a lapidé avec des cailloux et on s’est réfugié dans les concessions, sous les camions, partout où on pouvait, parce qu’à l’époque, il n y’avait pas de vidéos projecteurs et c’était des mannequins qu’on utilisait. Certaines personnes ont trouvé immoral de venir exposer le sexe de la femme devant des enfants parce que le sexe est un tabou. D’autre part, la pratique de l’excision était très ancrée dans les esprits, donc les gens n’arrivaient pas à comprendre », a-t-il indiqué.

Au regard du caractère tabou du sexe, celui qui a redonné et qui continue de redonner le sourire à de milliers de femmes, est revenu sur un fait qui l’a marqué positivement. Il s’agit d’une femme qui avait une hypertrophie clitoridienne très poussée (clitoris très allongé) qui était exactement comme un pénis. Cette dame était considérée comme un garçon dans son village alors que ses seins poussaient.

« Quand on me l’a amené, je leur ai fait savoir que ça ne faisait pas parti des séquelles de l’excision, mais j’ai décidé de pousser l’examen plus loin pour comprendre. Quand j’ai fait l’échographie, l’utérus et les ovaires y étaient. On a fait les dosages hormonaux qui étaient normaux. Je me suis entendu avec les parents pour réduire le clitoris et non l’enlever parce que ça allait devenir une excision. Mais la condition était que cette femme quitte son milieu parce que tout le monde l’a connu garçon et la voir tout d’un coup femme allait choquer les esprits. Elle a accepté et a émigré dans une autre localité loin de chez elle. Elle s’est même mariée et a eu un enfant. Cela a été une très grande joie pour moi », s’est-t-il réjouit.

Toutefois, le spécialiste de la santé de la femme a reconnu que tout ne se passe pas toujours comme il le souhaite. « J’étais allé dans un pays voisin pour former les médecins en ma technique de réparation. Un médecin local après avoir examiné et posé le diagnostic d’obstruction vaginale d’une jeune fille de 17 ans l’avait retenue pour la réparation. La mère de cette fille s’y est opposée systématiquement, parce que pour elle, la fille devait supporter son mal jusqu’à être mariée et après le mariage, on pourrait la réparer. Or, son vagin était complètement fermé et il ne restait qu’un petit trou par lequel sortaient les urines par petit écoulement et quand elle avait ses règles elle criait. Cela m’a beaucoup marqué parce que je n’ai pas pu faire grand-chose pour cette jeune fille », a-t-il regretté.

En rappel, il faut noter qu’après ses études de médecine générale, Pr Akotionga a été affecté comme médecin chef à Yako, avant d’être nommé directeur départemental de la santé à Ouahigouya où il y est resté de 1981-1983. A partir de 1983, il s’est rendu à Angers en France pour sa spécialisation puis il a rejoint Cotonou pour terminer sa spécialisation avant de rentrer définitivement en 1989.

De retour au Burkina, il fut affecté à l’hôpital Yalgado à la maternité avant d’être envoyé assurer des prestations à la clinique Suka. « Je faisais Yalgado et Suka. En 1992, notre maître, Pr Koné m’a fait prendre comme assistant, fonction que j’ai assurée pendant 4 ans avant de passer au grade de maître assistant. J’ai fait l’agrégation en 2002. Aujourd’hui, je suis à la retraite tranquille dans ma petite clinique », conclu-t-il.

Son plus grand rêve pour les femmes du Burkina, est qu’un jour il n’y ait plus une seule fille burkinabè excisée, que toutes les femmes soient heureuses, qu’elles puissent vivre leur féminité, avoir toutes, des enfants et s’en occuper comme sa mère l’a fait pour lui.

Madina Belemviré

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