Dormir sous un soleil de plomb : comment la chaleur sabote nos nuits ?
Les nuits chaudes, autrefois douces et propices au repos, deviennent de véritables épreuves. Dans un monde où les températures grimpent sans relâche, s’endormir devient une bataille. Les draps collent à la peau, l’air semble irrespirable, et chaque mouvement est une invitation à transpirer davantage. Mais ce n’est pas qu’une simple impression, la science confirme que la chaleur perturbe gravement le sommeil.
Une étude publiée en 2022 dans la revue One Earth a analysé plus de 7 millions de nuits de sommeil dans 68 pays et a révélé que l’augmentation des températures réduit la durée du sommeil, en particulier chez les populations vivant dans des zones chaudes. Les chercheurs estiment que d’ici 2099, le réchauffement climatique pourrait nous faire perdre jusqu’à 50 heures de sommeil par an. « L’endormissement est un processus physiologique qui dépend d’une baisse de la température corporelle. Quand la chaleur ambiante est trop élevée, le corps peine à se refroidir et cela retarde le moment où le sommeil s’installe », explique le Dr Dominique Zida, spécialiste du sommeil.
En temps normal, explique le spécialiste, la température interne du corps diminue progressivement au cours de la nuit, favorisant un sommeil profond et réparateur. Mais lorsqu’il fait trop chaud, ce mécanisme est perturbé. Le corps lutte pour évacuer la chaleur, l’activité physiologique s’intensifie au lieu de ralentir, et le repos devient difficile à atteindre. Une autre étude parue dans Science Advances en 2017 a confirmé que les nuits où la température extérieure dépasse 30°C sont associées à une augmentation des réveils nocturnes et à une réduction du sommeil paradoxal, la phase des rêves essentielle pour la mémoire et la gestion des émotions.
Les conséquences de ce sommeil perturbé sont bien réelles pour Dr Zida. Fatigue chronique, troubles de l’humeur, baisse des capacités cognitives… Mais aussi des effets plus graves. Un mauvais sommeil favorise l’hypertension, le diabète et les maladies cardiovasculaires. « L’augmentation des températures nocturnes n’est pas qu’un inconfort, c’est une véritable menace pour la santé publique », alerte le Dr Zida.
Certaines catégories de la population sont plus vulnérables. Les personnes âgées, dont la régulation thermique est moins efficace, et les jeunes enfants, qui ont un système de thermorégulation encore immature, souffrent davantage. Les travailleurs de nuit ou en horaires décalés, obligés de dormir pendant les heures les plus chaudes, sont aussi en première ligne.
Au Burkina Faso, où la climatisation reste un luxe pour beaucoup, la majorité de la population doit composer avec des habitations mal isolées qui emmagasinent la chaleur pendant la journée et la restituent la nuit. D’après les experts, lorsque la température nocturne dépasse les 28°C, le sommeil commence à être sérieusement perturbé, et au-delà de 32°C, il devient presque impossible. Pourtant, en saison chaude, ces températures sont la norme au Burkina Faso. Ces derniers temps, les températures maximales frôlent les 42°C, et selon les prévisions météorologiques, elles pourraient aller au-delà dans les années à venir. Alors comment faire pour limiter l’impact de la chaleur sur nos nuits ?
Les stratégies sont parfois limitées, mais certains gestes peuvent aider. Bien s’hydrater tout au long de la journée, éviter les douches froides qui stimulent la production de chaleur corporelle, privilégier des vêtements légers et respirants, et maximiser la circulation de l’air dans la chambre sont autant de réflexes à adopter. Et pour ceux qui n’ont pas de climatiseur, un ventilateur couplé à un linge humide peut faire toute la différence.
Le sommeil est un besoin vital, et l’augmentation des températures nocturnes pose un défi de plus en plus pressant. Il ne s’agit pas seulement de trouver le sommeil plus rapidement, mais aussi de préserver notre santé et notre bien-être dans un climat qui se réchauffe inexorablement.
Madina Belemviré