Forum Galien Afrique : quand la souveraineté sanitaire sort du discours pour chercher un souffle africain
La souveraineté sanitaire n’est plus une promesse, c’est un test. À l’approche du Forum Galien Afrique, chercheurs, décideurs et journalistes appellent à repenser le financement, à croire en la recherche locale et à redonner toute sa place à la pharmacopée traditionnelle.

Le 8 octobre, le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN) a réuni ses membres autour d’un webinaire en prélude au 8ᵉ Forum Galien Afrique. Au cœur des échanges, un constat clair, l’Afrique ne peut pas atteindre la souveraineté sanitaire sans un investissement massif dans la recherche, la gouvernance et la confiance en son propre potentiel.
« Nous devons considérer la santé non pas comme une dépense, mais comme un investissement », a insisté le Dr John Nkengasong, co-président du jury du Prix Galien Afrique. Pour lui, le moment est décisif. Depuis la Déclaration d’Abuja en 2001, où les chefs d’État africains s’étaient engagés à consacrer 15 % de leurs budgets à la santé, seuls deux ou trois pays atteignent encore cet objectif.

La plupart oscillent entre 4 et 7 %. « On ne peut pas être souverains si nous n’avons pas les moyens de cette souveraineté », a renchéri la Pr Awa Marie Coll Seck, présidente du Forum.
Les chiffres donnent la mesure du défi. En vingt-cinq ans, le PIB du Sénégal est passé de 6 à 30 milliards de dollars, celui de la Côte d’Ivoire de 16 à 91 milliards, et celui du Gabon de 5 à 21 milliards. Pourtant, malgré cette croissance, les budgets santé stagnent. « Nos économies ont progressé, mais pas notre investissement dans la santé », a souligné Dr Nkengasong, rappelant que cent milliards de dollars quittent chaque année le continent sous forme de flux financiers illicites, tandis qu’il n’en reçoit qu’environ trente en aide extérieure.
C’est dans ce contexte que le Forum Galien Afrique prend tout son sens. Prévu à Dakar à la fin du mois, il réunira des ministres, des chercheurs, des représentants d’organisations internationales, des fondations telles que Rockefeller et Gates, ainsi que de jeunes innovateurs venus présenter leurs découvertes. L’Organisation mondiale de la santé, le CDC Afrique et l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé y prendront part, en présentiel ou en virtuel, tout comme le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. Un dîner des doyens, un forum des jeunes, des panels sur la santé numérique, la production locale et la pharmacopée africaine, ainsi qu’une exposition dédiée aux femmes pionnières du Forum, rythmeront les échanges.
Le Forum abritera également la 5ᵉ édition du Prix Galien Afrique, considéré comme le plus prestigieux prix africain récompensant l’excellence en sciences de la vie et en innovation médicale. Il distingue les meilleurs produits pharmaceutiques, technologies médicales, solutions numériques de santé et produits traditionnels thérapeutiques. Ce prix, souvent comparé au Nobel de la recherche africaine, symbolise la reconnaissance d’une créativité scientifique venue du continent.
« Nous avons utilisé ces ressources avant les Européens et les Américains. Il est temps de valoriser cette richesse », a plaidé la Pr Coll Seck à propos de la pharmacopée traditionnelle. Le Dr Nkengasong a ajouté qu’un vrai soutien public à la recherche et à la standardisation est indispensable pour bâtir un écosystème crédible.
Ce défi de cohérence sera au cœur des discussions à Dakar. Face au retrait progressif de certains bailleurs, comme les États-Unis, les deux experts appellent à transformer cette fragilité en opportunité. La souveraineté, rappellent-ils, se gagne d’abord par la cohérence entre discours et action. « Ce n’est pas parce que le chemin est difficile qu’il faut abandonner », a conclu la Pr Coll Seck.
Entre lucidité et volonté, le Forum Galien Afrique s’annonce comme l’un de ces rares moments où l’Afrique ne cherche pas de solutions ailleurs, mais se regarde enfin comme sa propre réponse. À Dakar, ce n’est pas seulement un prix qui sera décerné, mais une ambition collective qui s’écrit, celle d’une Afrique capable de soigner, d’innover et de décider pour elle-même.
Madina Belemviré

