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Quand le climat prive les filles d’école

Alors que le Burkina Faso subit une chaleur record et une pénurie d’eau de plus en plus grave, des milliers de collégiennes vivent une épreuve invisible : gérer leurs règles sans eau, sans intimité et sans dignité. Derrière les chiffres alarmants liés au climat, il y a des vies réelles : comme celle de Nina Zongo, 12 ans, qui rate l’école chaque mois parce qu’elle ne peut pas se laver ou changer sa protection hygiénique.

« J’avais peur de salir mon uniforme », confie Nina. « À l’école, il n’y avait pas d’eau pour se laver ou se changer. On nous donnait juste du coton. Alors je restais à la maison. » Presque une semaine par mois, Nina ne va pas en cours tout comme des milliers de filles contraintes au silence par un phénomène naturel.

Un pays qui sèche sous la chaleur

Depuis 2024, des vagues de chaleur intenses frappent le Burkina Faso, avec des températures jusqu’à 45 °C, soit 1,5 à 2 °C au-dessus de la normale (ANAM). La Banque mondiale prévoit une hausse de 3 à 4 °C d’ici 2080, bien au-delà des moyennes mondiales.

Dans un pays où 70 % de la population vit en zone rurale, chaque degré en plus assèche davantage les puits, vide les réserves et paralyse les systèmes d’assainissement fragiles. Mais pour des filles comme Nina, ce n’est pas seulement la soif, c’est la disparition de leur présence à l’école, de leur avenir, de leur voix.

Le silence de la honte

Le changement climatique n’est pas le seul ennemi. Les normes sexuées, les tabous et la honte liés aux menstruations renforcent le problème. Dans beaucoup de communautés, les règles sont considérées comme sales, honteuses, voire maudites. Les filles n’en parlent pas, même à leur mère ou à leur enseignante. Certaines sont interdites de cuisine ou repoussées de la table familiale.

« Les filles manquent l’école pendant leurs règles », explique Agnès Zongo, prof de sciences à Ouaga. “Quand elles reviennent, elles trouvent des excuses. Certaines refusent de venir au tableau, par honte. Il y a de l’eau dans la cour mais pas dans les toilettes. Comment faire ? »

Dans une autre école, Mme Arlette Tapsoba confirme : « On a une pompe pour boire, mais rien pour l’hygiène menstruelle. Pas d’intimité, pas de savon. On sent parfois des odeurs, mais jamais de sang. Elles cachent tout. »Sans eau propre, dans des salles étouffantes, les filles portent des bouts de tissu ou du coton humide, risquant infections, fuites, et humiliation.

Quand les règles perturbent l’éducation

Les conséquences sont sévères. L’UNICEF (2022) estime qu’environ 15 % des filles manquent l’école chaque mois pour manque d’installations hygiéniques.

Les chiffres révèlent une réalité. En 2023, seulement 56,5 % des écoles primaires ont des toilettes séparées avec eau. Et à la maison, plus de la moitié de la population défèque en plein air (OMS/UNICEF, 2020). Conséquence, absence, honte, décrochage, parfois abandon définitif.

« La chaleur n’augmente pas le flux menstruel, mais la sueur imbibe rapidement les protections », explique le Dr Paul Kain. « Sans eau, elles réutilisent des chiffons humides, ce qui peut provoquer infections et lésions. » Ce problème combine pauvreté, patriarcat et impacts du changement climatique. C’est une crise des droits humains.

Des solutions, pas des promesses

Il y a de l’espoir. Au Burkina Faso, gouvernement et ONG passent à l’action. WaterAid et UNICEF financent des améliorations WASH : construction de latrines séparées, lavabos, formation des enseignants à l’hygiène menstruelle. Dans les écoles concernées, l’absentéisme des filles chute nettement. Plan International et l’UNESCO mènent des programmes pour casser la honte : clubs scolaires, ateliers mère-fille, espaces d’échange pour que les filles en parlent sans crainte. Le ministère de l’Éducation, avec le Partenariat mondial pour l’éducation, investit dans des écoles résistantes au climat : forage de puits profonds, renforcement contre les intempéries, plantations d’arbres pour apporter de l’ombre.

Ce ne sont pas juste des travaux : ce sont des bouées de survie.

Mais dans de nombreuses zones rurales, les infrastructures tardent à arriver. Les filles restent en marge. Les enseignants ne sont pas formés. L’effort reste fragmentaire. Pour réussir, l’hygiène menstruelle doit être un élément central de l’éducation, de l’égalité de genre et de l’adaptation climatique.

Le droit d’apprendre, même sous la chaleur

L’histoire de Nina n’est pas seulement celle des règles. C’est celle du droit de se montrer apprendre, grandir, être vue. Et ce droit ne devrait pas disparaître chaque mois  ni varier en fonction de la chaleur. « Quand l’eau manque, c’est comme si moi aussi je n’existais plus. »

Le Burkina Faso fait face à une crise climatique. Mais si le monde écoute vraiment écoute  les voix de ses adolescentes, et investit dans la dignité et l’égalité, il peut semer les graines d’un vrai changement.

Cet article a été rédigé par l’Africa Women’s Journalism Project (AWJP).

Madina Belemviré

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