Âgisme : quand vieillir devient une faute dans le regard des autres
Souvent banalisée, parfois invisible, la discrimination liée à l’âge touche de nombreuses personnes âgées, au Burkina Faso comme ailleurs. Le Dr Sylvain Ouédraogo, gériatre, alerte : l’âgisme est une forme de violence silencieuse, aux conséquences bien réelles.

On les appelle « vieux », parfois avec tendresse, souvent avec une pointe de mépris. On parle à leur place, on prend des décisions pour eux, on ne les écoute plus vraiment. Dans nos gestes du quotidien, sans toujours nous en rendre compte, l’âgisme s’installe. Ce mot encore peu connu désigne pourtant une réalité bien présente, la discrimination fondée sur l’âge.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’âgisme, c’est « avoir des stéréotypes, des préjugés ou un comportement discriminatoire envers des personnes en raison de leur âge ». Pour le Dr Sylvain Ouédraogo, gériatre au Burkina Faso, c’est surtout un mal insidieux, qui prive les aînés de leur dignité. « L’âgisme, c’est refuser à une personne âgée le droit d’exister pleinement. On ne l’écoute plus, on décide qu’elle a déjà vécu, qu’elle n’a plus besoin de soins ou d’attention. »
L’âgisme peut être frontal, une moquerie, un refus de soin, un avis balayé d’un revers de main. Mais il est aussi souvent déguisé sous de bonnes intentions. Par exemple, parler lentement et avec condescendance à une personne âgée, faire les choses à sa place, ou encore penser qu’elle ne doit plus sortir ou manger « comme les autres ». Ces gestes, répétés, finissent par peser sur l’estime de soi et l’autonomie des personnes concernées.
Au Burkina Faso, la situation est d’autant plus préoccupante que le tissu familial change, que les difficultés économiques isolent de plus en plus les anciens. Certains renoncent même à soigner un parent âgé, estimant qu’il a « fait son temps ». Pour le Dr Ouédraogo, c’est une forme de maltraitance : « Ce n’est pas le manque de médicaments qui tue toujours, mais le regard que nous portons sur nos aînés. »
Et pourtant, ils sont là. Avec leurs histoires, leur expérience, leur sagesse. Ils continuent de rêver, d’aimer, de vouloir vivre. Lutter contre l’âgisme, c’est choisir de les voir autrement. C’est aussi se souvenir que, comme le dit le gériatre, « tout homme qui a la chance de naître est une personne âgée en devenir. »
Changer les mentalités demande du temps, mais cela commence par des gestes simples : écouter, consulter, inclure, car une société qui respecte ses aînés est une société qui se respecte elle-même.
Madina Belemviré

