Féminicide : Chaque jour, chaque minute, une vie brisée
Chaque jour, dans l’ombre, une femme est tuée. Dix minutes, c’est tout ce qu’il faut pour qu’un homme tue la femme qu’il prétendait aimer. Dix minutes pour briser une vie, une famille, un futur. Dix minutes. Et ces dix minutes sont comptées, inlassablement, partout dans le monde. Chaque jour, ce sont 144 femmes qui meurent, assassinées par ceux qui auraient dû les protéger : leurs partenaires, leurs pères, leurs frères.
Selon le rapport de l’ONU Femmes sur les féminicides, chaque dix minutes, une femme est tuée par un partenaire intime ou un membre de sa famille. En gros, chaque semaine, 1 008 femmes sont tuées.
Chaque mois, ce sont 4 320 femmes qui disparaissent dans des conditions effroyables, souvent évitables. Et chaque année, 52 560 femmes sont arrachées à la vie. 52 560 vies brisées, 52 560 promesses non tenues.
52 560 femmes qui auraient dû vivre pour voir grandir leurs enfants, pour réaliser leurs rêves, pour écrire l’histoire à leur façon. Au lieu de ça, elles sont tuées. Pas à cause de la guerre, pas à cause de la famine, mais à cause de la violence intime.
Ce chiffre, 52 560, est un cri silencieux, une révolte étouffée. Ces femmes ne sont pas des numéros, ce sont des mères, des filles, des sœurs, des épouses. Elles sont de tous les continents, de toutes les cultures, et pourtant, leurs histoires se ressemblent : elles ont été trahies, elles ont été détruites par ceux qui auraient dû les aimer.
Le 23 février 2024, à Ouargaye, une femme meurt sous les coups de son mari, nous rapporte le quotidien Sidwaya. Elle est retrouvée, baignant dans son sang, après avoir été poignardée à plusieurs reprises. Ce sont les voisins qui entendent les crises. Mais lorsque les forces de l’ordre arrivent, il est déjà trop tard. Son mari, cet homme qu’elle aimait, est arrêté. Mais sa vie est terminée. À jamais.
Puis, un autre drame. Le 2 mai 2021, à Ouahigouya, Aminata Ouédraogo, enceinte de trois mois, est égorgée par son mari. Lui, l’homme avec qui elle a des rêves partagés, des projets, la vie. Après son crime, il prend la fuite. Mais il ne pourra fuir sa culpabilité, ni l’horreur de ce qu’il a fait.
Et puis, il y a l’histoire d’Haguera Zongo presqu’à terme de sa grossesse, tuée de façon tout aussi barbare, en mai 2021. Elle avait aussi un mari, un homme qu’elle pensait pouvoir aimer pour toujours. Mais le jour où elle a croisé la rage de son mari, ce même homme qu’elle nourrissait et soutenait, tout à basculé. Elle a été poignardée avec un morceau de fer. Elle est morte, enceinte de son quatrième enfant. Son mari l’a laissée, abandonnée, sans un mot. Il a caché son corps dans la maison, avant de se rendre à la gendarmerie.
Des histoires qui se répètent, des vies fauchées
Ces histoires, tragiques ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres.
Au Burkina Faso, en 2023, 4 588 cas de violences basés sur le genre ont été signalés. Parmi eux, 476 cas de violences sexuelles.
Et pourtant, la réalité est bien plus noire. Les chiffres officiels sont souvent loin de refléter l’étendue du problème, car trop de victimes ont peur de parler. Trop de femmes se taisent par honte, par peur, par résignation. Mais même celles qui osent se manifester ne sont pas à l’abri. 45% des violences sont commises par des partenaires intimes. Ce sont des hommes qui tuent. Des hommes qui croient avoir droit de vie ou de mort sur celle qu’ils prétendent aimer.
Défini comme le meurtre d’une femme en raison de son sexe, souvent perpétré par un partenaire intime ou un membre de sa famille, le féminicide est une urgence mondiale. C’est une plaie ouverte, un fléau qui ronge notre société de l’intérieur. Ce ne sont pas des évènements isolés, mais bien une tragédie qui se déroule tous les jours, dans nos villes, nos villages, nos foyers. Il est temps d’agir, de se lever, de crier, de dénoncer. Car chaque victime de féminicide n’est pas seulement une statistique. Elle est un témoignage de l’injustice. Une femme qui pourrait être notre mère, notre sœur, notre amie, qui se retrouve, chaque jour, condamnée à mort pour avoir eu le malheur de se trouver dans la mauvaise relation.
Nous avons la responsabilité de mettre fin à cette violence. La législation seule ne suffit pas. Il faut aussi un changement radical des mentalités. Il faut éduquer, sensibiliser, briser le silence. Le rôle des médias est primordial. Ce n’est pas le moment de se taire. Ce n’est pas le moment de faire comme si ce n’était pas notre problème. Ce n’est pas le moment de détourner le regard.
La violence faite aux femmes ne doit plus être une fatalité. Nous devons dénoncer, agir et soutenir les survivantes. Nous devons les écouter, les protéger, et leur redonner une voix. Parce qu’aujourd’hui, il est encore possible d’agir. Et chaque vie sauvée, chaque femme protégée, est une victoire pour nous tous.
Plus jamais ça. Plus jamais.
Madina Belemviré