Ouagadougou : la fécondité stagne, les raisons

Dans la capitale burkinabè, le nombre moyen d’enfants par femme est resté stable autour de trois enfants par femme au cours des deux dernières décennies. Une étude menée par l’Institut supérieur des sciences des populations et dont les résultats ont été dévoilés aux médias le 25 mai 2023 révèle les facteurs explicatifs.

Depuis une vingtaine d’années, la fécondité à Ouagadougou qui était déjà en baisse, stagne. Les chercheurs de l’Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP) se posent de nombreuses questions au point de réaliser une étude pour comprendre les facteurs explicatifs. Les résultats partagés avec la presse la semaine dernière apportent ainsi de nombreuses réponses. « Les écarts de fécondité entre les immigrantes du milieu rural et les femmes natives de la ville sont élevés et s’expliquent essentiellement par les différences de caractéristiques socioéconomiques », explique le Dr Moussa Bougma, coordonateur de l’étude.

Ce différentiel de fécondité entre les immigrantes des zones rurales et les femmes natives de la ville est d’ailleurs beaucoup plus prononcé dans les quartiers périphériques, nécessitant une politique d’intégration socioéconomique des migrants et l’amélioration de l’offre des services de planification familiale dans ces quartiers.

Cependant, il n’y a pas seulement que ce facteur qui explique la stagnation de la fécondité. L’étude a également mis en évidence le rôle de la préférence pour la mixité des enfants au sein des couples dans cette stagnation de la fécondité à Ouagadougou.

Des préférences 

Selon Dr Moussa Bougma, il existe une forte demande pour des enfants supplémentaires en raison de la préférence pour la mixité des sexes. Parmi les femmes souhaitant avoir d’autres enfants, la moitié (52,0%) préfère avoir une progéniture de sexe différent. Cette tendance s’explique par le besoin d’avoir un héritier ou un représentant du mari pour perpétuer la lignée familiale, l’opportunité d’avoir quelqu’un sur qui compter pendant la vieillesse et le soutien financier que les garçons peuvent apporter aux parents ou aux frères et sœurs.

Le désir d’avoir une fille s’explique, quant à lui, par la recherche d’une représentante de la mère, d’une personne capable d’aider dans les tâches domestiques et de prendre soin des personnes âgées.

Une orientation des politiques de maîtrise de la fécondité vers un changement de perception concernant la recherche effrénée de la mixité des enfants est indispensable.

« Il est important d’accélérer l’alphabétisation et l’éducation des femmes afin de réduire rapidement la demande d’enfants et de diminuer les inégalités de genre parmi les enfants. Il convient également de sensibiliser les parents à la répartition des rôles sociaux en fonction du sexe, afin de limiter la recherche d’enfants supplémentaires dans le but d’atteindre la mixité des sexe », recommande le chercheur.

Capital vieillesse 

Le changement de perception des parents concerne aussi la gestion de leur vieillesse pour une maîtrise de la fécondité. Les travaux ont en effet montré que le capital vieillesse basé sur l’enfant conduit à une forte fécondité. Ce qui prouve une fois encore que la notion de sécurité sociale ne semble pas être bien perçue par les populations.

Selon Dr Bougma, la connaissance des enjeux d’avoir une sécurité sociale plus sure pourrait permettre aux populations d’adhérer plus facilement aux systèmes formels d’assurance vieillesse. « La plupart des femmes interviewées compte beaucoup plus sur leur progéniture que sur leur épargne pour gérer leurs vieux jours. Elles peuvent en même temps qu’elles investissent sur leurs enfants épargner pour assurer leurs vieux jours », fait-il savoir.

Cet institut de recherche de l’Université Joseph Ki-Zerbo propose d’engager les acteurs de la planification urbaine pour la prise en compte de la planification familiale.

Il faudra mettre les élus locaux au cœur de la planification familiale pour booster leur implication. Les chercheurs proposent que les actions des collectivités soient inscrites dans les domaines de la sensibilisation, l’équipement des centres de santé dans l’offre de services de planification familial et le renforcement des capacités des agents de santé sur la planification familiale.

Madina BELEMVIRE 

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