Former les soignants autrement : l’Afrique francophone harmonise ses programmes de santé
À Ouagadougou, les voix de neuf pays francophones d’Afrique de l’Ouest, élargies à la Centrafrique, au Cameroun, au Congo et au Tchad, se sont levées d’une même ambition : revoir la manière dont on forme les futurs professionnels de santé sur les questions essentielles que sont la santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant, la planification familiale du postpartum et la nutrition.
Le mois de mai s’ouvre sur un chantier ambitieux à Ouagadougou. Aligner les contenus pédagogiques des écoles de santé et facultés de médecine de plusieurs pays d’Afrique francophone sur les services intégrés en santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile, nutrition et planification familiale du postpartum (SMNI-PFPP-Nutrition). Du 5 au 10 mai 2025, des enseignants-chercheurs, experts en santé publique, gynécologues et formateurs venus de neuf pays de la région incluant le Burkina Faso, la République centrafricaine, le Cameroun, le Tchad et le Congo participent à un atelier de co-construction du futur guide d’orientation pédagogique.
C’est le ministre burkinabè de la Santé, Dr Robert Kargougou, qui a donné le ton à l’évènement ce mardi 6 mai. « C’est avec une réelle conviction que je préside cette cérémonie d’ouverture, tant les enjeux sont importants », a-t-il déclaré. S’il a salué les progrès réalisés au Burkina, notamment la baisse du ratio de mortalité maternelle de 330 à 198 pour 100 000 naissances vivantes selon l’EDSBF-V de 2021, il a aussi rappelé que « des décès évitables continuent de survenir ». D’où l’urgence, selon lui, d’intégrer ces services dans la formation initiale des agents de santé, socle incontournable pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030.
Sur le terrain, cette volonté politique se traduit par une action collective. « Nous sommes réunis ici pour harmoniser nos formations, partager nos expériences et sortir de cet atelier avec un contenu pédagogique révisé », explique le

. Ce guide, ajoute-t-il, « permettra d’intégrer la planification familiale du postpartum, la nutrition et les soins de santé primaires dans les curricula des écoles de sages-femmes, d’infirmiers et de médecine ».
L’enjeu est aussi stratégique : « Il s’agit d’une intégration pédagogique qui nous permettra de faire des économies d’échelle, tout en formant des professionnels prêts à affronter les réalités sanitaires de nos pays », souligne le Pr Charlemagne Ouédraogo, président de la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Burkina (SOGOB). Pour lui, cette démarche répond à une nécessité de former une nouvelle génération de soignants, dès les bancs de l’école, aux approches intégrées qui tiennent compte des ressources limitées des systèmes de santé.

Le travail engagé ne part pas de zéro. Une première étape avait été franchie à Bangui quelques mois plus tôt, avec l’élaboration de plans d’action pays. À Ouagadougou, les participants passent à la vitesse supérieure : « Chapitre par chapitre, nous allons analyser, améliorer, et intégrer ces modules dans l’enseignement », précise le Pr Traoré. À terme, les résultats attendus sont concrets. Un contenu-type harmonisé, un guide d’orientation validé, et des outils de plaidoyer pour l’usage de ces supports révisés dans les 13 pays membres de la SAGO.
Le ministre Kargougou, quant à lui, place beaucoup d’espoir dans ce guide. « Il contribuera à éviter les occasions manquées, à mieux répondre aux besoins du couple mère-enfant et à optimiser les ressources disponibles. » Le mot d’ordre est lancé, préparer les futurs professionnels de santé à offrir des soins intégrés, efficaces, et centrés sur la personne. Car former, c’est déjà soigner.
Madina Belemviré