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Collyre à base d’argile: prudence avant de mettre ses yeux en danger

Ces derniers temps, un produit appelé « argile collyre » circule largement. On le trouve à bas prix chez des vendeurs ambulants et autres. Ses étiquettes promettent de soulager presque tout, yeux rouges, démangeaisons, écoulements, larmoiements, vision floue, glaucome, cataracte, conjonctivite… Mais qu’en est-il vraiment ?

Le Dr Roland Toé, médecin ophtalmologiste, explique que ce collyre a été inventé par un Français, Jean-Pierre Robinet, en 2004. Son brevet, publié en 2005 sous la référence WO2005097143A1, décrit une solution aqueuse obtenue à partir d’argile verte filtrée et purifiée, proposée comme traitement possible du glaucome. Mais, prévient le spécialiste, « un brevet ne prouve pas qu’un médicament est efficace. Il peut simplement revendiquer une idée ou des résultats préliminaires, mais cela ne remplace pas des études scientifiques validées ».

Le glaucome est une maladie des yeux qui abîme progressivement le nerf optique, ce fil fragile qui transmet les images de l’œil au cerveau. Il survient le plus souvent quand la pression à l’intérieur de l’œil devient trop élevée. C’est la deuxième cause de cécité dans le monde, mais, bonne nouvelle, on peut souvent ralentir ou stopper son évolution grâce à des collyres, des lasers ou une chirurgie, à condition qu’il soit dépisté à temps.

Or, à ce jour, aucune recherche clinique rigoureuse publiée dans des revues scientifiques n’a démontré l’efficacité d’un collyre à base d’argile pour traiter le glaucome ou d’autres maladies des yeux. Aucun test officiel n’a prouvé que ce produit est sûr, on ne connaît ni sa tolérance, ni sa stérilité, ni ses effets secondaires. Pourtant, certains patients abandonnent leur traitement prescrit pour l’utiliser. « J’ai reçu plusieurs patients qui ont arrêté leur collyre médical au profit de l’argile. Malheureusement, leur glaucome s’est aggravé » témoigne le Dr Toé.

L’automédication est un danger réel. Utiliser un produit non homologué peut provoquer irritations, aggravation des pathologies et faire perdre de précieuses chances de préserver la vue. « On ne trouve pas des yeux au marché » rappelle l’ophtalmologiste. Devant tout problème de vision, le premier réflexe doit rester la consultation d’un spécialiste.

Avant d’utiliser un collyre, il est essentiel de vérifier qu’il est autorisé par l’Agence nationale de réglementation pharmaceutique, avec une notice complète, un numéro de lot, une date de péremption claire, un emballage de qualité et une vente dans le circuit officiel. Les flacons proposés dans la rue ou sur les réseaux sociaux, sans traçabilité fiable, exposent à des risques élevés.

Le Dr Toé met aussi en garde contre la publicité mensongère en ligne. Certaines vidéos sensationnelles et témoignages inventés promettent des guérisons rapides et définitives sans aucune preuve scientifique. « Ces messages exploitent l’espoir des malades mais cachent souvent des produits inefficaces ou dangereux » souligne-t-il. A ce niveau, il a fait comprendre que la Société Burkinabè d’ophtalmologie (SBO) est en train de mettre en place des mesures pour lutter contre ce phénomène.

Le spécialiste reconnaît cependant que le prix élevé des collyres pour le glaucome pousse parfois les patients vers ces solutions moins coûteuses. Il plaide pour la mise à disposition de versions génériques abordables et pour une subvention des collyres essentiels afin d’éviter les abandons de traitement.

Pour finir, le spécialiste emprunte aux proverbes pour avertir sans alarmer. « Qui néglige ses yeux ouvre la porte à l’ombre » glisse-t-il, et « mieux vaut prévenir la cécité que regretter la clarté ».

Madina Belemviré

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