Médecine légale : « Il ne faut jamais enterrer un corps sans que le constat de décès ne soit fait » ( Dr Traoré)

La médecine légale est une discipline de la médecine qui aide à résoudre certaines questions des enquêtes pénales ou civiles. Elle est le lien qui relie le domaine médical au monde judiciaire. Elle met au profit de la justice, des connaissances scientifiques notamment médicales pour la recherche de la vérité et l’application de la loi. Qui peut demander l’avis d’un médecin légiste ? Dans quel cadre est-il sollicité ? Médecin légiste au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bogodogo, Dr Daouda Traoré, réponds aux questions de Bulletin santé. Par ailleurs, Dr Traoré est titulaire d’un master en droit pénal et science criminelle et d’un certificat en droit humain.

Quel est le rôle d’un médecin légiste ?

Le médecin légiste est un auxiliaire de la justice. Pour ce faire, il éclaire la justice sur des questions médicales pour l’application de la loi. Il faut savoir que le juge n’est pas lié au rapport de l’expert (médecin légiste).

En quoi consiste concrètement votre travail?

Contrairement à la pensée courante, le médecin légiste ne s’occupe pas uniquement que des cadavres.

– Le travail du médecin légiste sur les personnes vivantes va consister à examiner les victimes d’agressions sexuelles et de coups et blessures.

– Egalement, rédiger un rapport pour répondre aux questions posées par le juge ou l’officier de police judiciaire en utilisant des termes adéquats pour que la loi puisse être appliquée.

– Il est aussi chargé d’examiner et d’évaluer les dommages corporels des victimes dont les blessures ont été consolidées. Cela permet à ces dernières d’être indemnisées (par la CNSS, les compagnies d’assurance etc.)

– Sur les morts, le travail du médecin légiste consiste à faire un examen externe et éventuellement un examen interne appelé autopsie, pour déterminer la cause et les circonstances de la mort. Souvent il est appelé à faire appel à d’autres examens comme la toxicologie, la biologie, l’anatomie pathologie, la radiographie et le scanner dans la recherche de la cause de la mort. Puis il rédige le rapport qu’il transmet à l’autorité requérante.

Qui peut demander l’avis d’un médecin légiste ?

Tout le monde peut prendre l’avis ou conseil d’un médecin légiste.

Êtes-vous souvent sollicité ? Dans quel cadre?

Nous sommes beaucoup sollicités par le parquet (le procureur, la police judiciaire), les juges d’instructions dans le cadre des morts suspectes ou violentes, des agressions sexuelles, des atteintes à l’intégrité physique et l’examen des personnes gardées à vue à travers une réquisition ou une ordonnance.

– Les victimes parfois nous sollicitent directement dans le cadre des agressions sexuelles et les atteintes à l’intégrité physique.

– Nous sommes également sollicités par nos confrères sur des avis et des conseils en matière de responsabilité médicale.

Avez-vous des anecdotes ?

On était amené à faire l’autopsie d’une dame. Le premier suspect était son mari car il y avait une notion de conflit familial et il était même gardé à vue. Au cours de l’autopsie, nous avons constaté qu’un gros vaisseau avait rompu (rupture d’une dissection aortique) ce qui permettait d’exclure une cause externe. Cela a permis de lever le soupçon sur son époux. Pour dire que notre travail ne consiste pas seulement à faire incriminer une tierce personne.

Est-ce qu’il y a un cas qui vous a le plus marqué dans l’exercice de vos fonctions ?

Nous rencontrons beaucoup de situations. Chaque cas est unique. Faire l’autopsie d’un enfant est toujours particulier.

Avez-vous des conseils à l’endroit des populations ?

– En tant que médecin légiste, tout décès hors de l’hôpital est une mort suspecte jusqu’à preuve de contraire. Si la personne décédée était suivie pour une pathologie donnée, son médecin traitant peut attester qu’il s’agit d’une mort naturelle. A défaut, il faut informer le commissariat ou la gendarmerie la plus proche. L’officier de police judiciaire avec l’accord du procureur décidera de la nécessité de l’autopsie ou de l’examen externe de corps.

– Il ne faut jamais enterrer un corps sans que le constat de décès ne soit fait. Sinon il devient difficile d’avoir les autres papiers comme le certificat de genre de mort et le certificat de décès si le corps est déjà enterré. Or ces documents sont utiles pour les familles.

– Après une agression sexuelle, il faut toujours consulter dans une formation sanitaire. Les constations doivent être notées dans un carnet pour faciliter la traçabilité. Puis la victime peut déposer une plainte à la justice.

– Il en est de même pour les blessures physiques (somatiques). Il faut toujours consulter d’abord dans une formation sanitaire, noter les constatations dans un carnet et après chercher à déposer la plainte à la justice si l’on veut.

Madina Belemviré

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